Pour ce nouveau portrait “Sortie de Vestiaire” nous sommes allés à la rencontre de Mathias Soltane. L’ancien ailier droit de Nancy revient pour nous sur sa fin de carrière, sa reconversion, ses moments de doute, ses projets et perspectives : un témoignage sincère et riche d’enseignements.
“Je me souviens de ma fin de carrière comme si c’était hier, et à vrai dire je ne l’ai pas très bien vécu. C’était l’année du Covid, en 2020. On devait jouer à Pontault Combault le samedi soir. Le mardi soir on nous dit que l’entraînement est annulé. Il n’y a plus jamais eu d’entrainement. Voilà comment ma carrière s’est arrêtée le 18 mars 2020. Je n’ai pu dire au revoir à personne à Nancy.
Ce qui m’a aidé c’est que j’avais déjà un peu préparé ma reconversion. J’avais un nouvel objectif, ça m’a aidé à franchir le pas : après avoir essayé plusieurs métiers, je voulais travailler dans l’immobilier. Je suis rentré chez moi à Strasbourg. J’ai trouvé une agence immobilière et j’ai commencé à y travailler. Et là, je suis tombé de haut, de très haut. Il y a eu un vrai décalage entre l’idée que j’avais du métier et la réalité. Je ne souhaite pas dénigrer la profession, mais l’expérience que j’en ai eu n’a pas été positive. J’ai ressenti une vraie pression à signer des mandats, à pousser les gens à la vente. J’avais l’impression de devoir mettre mon intégrité de côté. Ce que j’imaginais, c’était un métier humain, dans l’accompagnement d’un projet entre quelqu’un qui veut vendre et quelqu’un qui veut acheter. J’ai eu un cas d’une dame qui voulait vendre sa maison de famille. Au vu de son histoire et de sa situation, je lui ai conseillé de ne pas vendre son bien et elle m’a écouté. Ça n’a pas plu à mon directeur. J’ai supporté ça 3 ou 4 mois et j’ai arrêté.
Après ça, j’ai contacté l’AJPH. J’avais toujours eu de bonnes relations avec vous. À la fin de ma carrière, je me suis dit que je n’avais pas besoin d’aide. Mais là ça avait changé. Un soir j’étais vraiment mal. J’ai dû me résigner à accepter de l’aide pour trouver une nouvelle orientation. Je ne savais pas du tout ce que je voulais faire. Et pourtant il fallait que je trouve : j’avais 35 ans, une petite fille, une maison à payer. En vous appelant, pour tout te dire, je croyais qu’étant donné que j’avais arrêté ma carrière, vous alliez me rembarrer.
Quand je t’ai appelé tu m’as écouté et tu m’as mis en contact avec Véronique Barré via le programme “Appui Conseil Carrière”. Tu m’as expliqué que ce programme était ouvert pour les sportifs professionnels, jusqu’à 6 mois après la fin de leur contrat. C’était parfait pour moi. Et cette mise en relation, ça a été un vrai tournant. Véronique, elle a été un ange gardien pour moi, une grande soeur.
Le travail a alors commencé avec Véronique et elle a été extraordinaire. Elle m’a aidé à me rendre compte de toutes les compétences que j’avais pu développer dans un vestiaire, sur le terrain, et à les retranscrire dans un boulot au quotidien. Sur tous les métiers qu’on a étudiés, c’est le métier de manager et de directeur de magasin qui est ressorti. Il y avait du concret sur le terrain et beaucoup de gestion humaine. Je ne m’en étais pas vraiment rendu compte, mais avec mon brassard de capitaine en Proligue, le but était de faire fonctionner l’équipe en match pour gagner. Un manager de magasin c’est pareil. Les grandes lignes restent les mêmes. Et je voulais rester dans le métier du sport.
Après cette première phase de travail avec Véronique, elle m’a envoyé une offre d’emploi de chez Intersport. C’était une offre pour ètre vendeur. Ce n’était pas ce que je voulais faire. Le salaire était bien moins élevé comparé à ce que je gagnais en tant que joueur. J’avais un crédit maison à rembourser. Mais Véronique m’a poussé à candidater et j’ai souhaité relever le défi. J’ai fini premier des épreuves de sélection. Pendant tout ce temps, on se voyait une fois par semaine et on débriefait les différents rendez-vous avec Intersport. Avant l’entretien avec le futur directeur du magasin et le couple de propriétaires, Véronique m’a poussé à leur exposer mon projet. C’était un entretien sans CV. Quand je suis arrivé devant eux, c’est ce que j’ai fait. Je leur ai raconté mon parcours, ma reconversion et mes ambitions, et ce en toute sincérité. Je leur ai notamment dit : “j’ai 35 ans et je souhaite tout mettre en œuvre pour être directeur du magasin : je vais être le meilleur et ce n’est pas un manque d’humilité, leur ai-je dis. Sur un terrain j’ai appris à être un battant, à ne rien lâcher. Si vous m’embauchez, j’aimerais que vous vous engagiez, dans le cas où vous êtes contents de moi, à me faire évoluer. Si c’est envisageable pour vous, je viens. Et sinon je ne viens pas”. Peut être ont-ils été surpris de ma démarche ? Je ne pense pas qu’ils aient l’habitude qu’on leur tienne ce discours. IIs m’ont dit que ce n’était pas si simple, qu’il y avait plusieurs étapes à franchir, mais ils m’ont écouté. Le travail avec Véronique m’a aidé à mieux me connaître, à formaliser mes compétences, mes envies, mes ambitions et a en parlé en entretien. Finalement ils m’ont pris. Financièrement, j’allais avoir le chômage pendant 1 an et demi. Je pouvais avoir un complément entre le salaire de vendeur et les allocations, donc j’ai accepté le poste. Et puis il y a eu un concours de circonstances. Au bout de quelques mois, ils ont dû se séparer de mon manager. J’ai été vendeur pendant 4 mois et en juin ils m’ont proposé ensuite d’être responsable de rayon. J’ai été promu manager de vendeurs qui étaient là depuis des années. Mais j’avais bossé comme un malade. Pendant ces 4 mois, je suis arrivé avant tout le monde et parti après tout le monde. En août, ils ont parlé d’ouvrir un autre magasin à 40 minutes de chez moi. Il y aurait eu la possibilité d’évoluer sur un poste de directeur de ce nouveau magasin, mais pour des raisons personnelles et de santé j’ai dû décliner. En plus je me suis cassé la main et j’ai dû me faire opérer trois fois. Je ne me sens pas encore prêt dans le savoir faire. Je dois encore travailler. Par contre, dans le savoir-être je me sens prêt, je suis prêt. Ça ne me fait pas peur. Aujourd’hui je suis toujours responsable sports collectifs / randonnée. Et je m’éclate. J’adore m’impliquer, être un leader, démontrer par l’exemplarité. Je ne suis pas un petit chef, je n’aime pas ça. Avec moi, j’ai une équipe de 7 personnes. Ils sont excellents dans leur domaine et j’essaie de manager ce petit monde en comblant là où nous avons des manques d’effectifs et d’organiser les tâches quotidiennes. Je suis bien entouré.
J’ai des perspectives d’évolution : on a une confiance mutuelle avec la direction. Quand je me sentirais prêt, je leur ferai part de mes perspectives. À court terme je ne pense pas qu’il soit judicieux de bouger et de demander quoique ce soit. Mais je me projette à moyen et long terme et je souhaite évoluer. Véronique m’a aidé à matérialiser et à mettre des mots sur ce processus. Avant, il n’y avait que moi qui pensait que j’allais réussir à faire ce que je voulais faire. Elle m’a dit « Fonce, t’as raison de ne pas douter ». Cette rencontre avec Véronique m’a été tellement bénéfique. Si je l’avais rencontré avant, peut-être que tout aurait été différent. Il faut que les joueurs se rendent compte de la chance qu’ils ont d’avoir ces programmes d’accompagnement et ces personnes compétentes qui les entourent. Et c’est aussi grâce à vous. Merci vraiment. Merci à l’AJPH et à Véro”.
Propos recueillis par Anne-Laure Michel
Crédits photo : LNH