Des joueurs professionnels au sifflet

10 novembre 20210

Des arbitres plus grands et costauds que les joueurs sur le terrain ? La scène n’est pas courante. Pourtant la semaine dernière, quatre joueurs professionnels (Jérémy Vergely, Frédéric Beauregard, Obrad Ivezic et Jonas Poignan) ont profité de la coupure internationale pour troquer leur maillot de joueur pour le sifflet et la tenue d’arbitre.

« Il y a deux ans Benoît Henry, directeur de l’AJPH nous a informé que plusieurs joueurs professionnels voulaient se former à l’arbitrage, explique Alain Dessertenne (CTN associé à la Commission Nationale de l’Arbitrage et du Parcours de Performance Fédéral d’Arbitrage). On connaît l’exemple de Julien Rebichon / Benjamin Gallego (joueurs professionnels de Nîmes, ndlr) qui eux ont commencé avec leur territoire et ont été accompagnés par la ligue régionale. Mais l’idée de rassembler au niveau national des joueurs professionnels et de les former nous a intéressée ». 

L’idée de créer un stage d’arbitrage dédié aux joueurs et joueuses professionnel(le)s est alors lancée.

« Cela n’a pas été facile de trouver un créneau où les joueurs étaient disponibles. Il a fallu que les clubs acceptent de les libérer et puis il a fallu trouver des financements. Tout ça c’est grâce à l’AJPH et Nicolas Barbeau (directeur de l’Institut Fédéral de Formation et de l’Emploi de la FFHB, ndlr). Ça a été un vrai travail collaboratif. Et puis, c’était important pour nous de leur proposer un stage avec de la pratique en plus de la théorie, pour leur permettre d’arbitrer en conditions réelles. On a profité de la trêve internationale et de la présence des équipes de France masculines U19 et U21 à la Maison du Handball pour organiser ce stage » ajoute Alain.

Quatre joueurs professionnels ont répondu présents :  Jérémy Vergely (Billère), Fréderic Beauregard (Nancy), Obrad Ivezic (Nancy) et Jonas Poignant (Créteil). Au programme : trois jours de formation  à la Maison du Handball encadrés notamment par Alain Dessertenne, Hervé Vigor et Jérôme Briois.

« Les échanges lors de ces trois jours ont été très riches : on a été débordés de questions par les joueurs. Et nous avons clairement pas vu le temps passer. Ils ont été passionnés et passionnants » indique Alain.

Un constat partagé unanimement par les intéressés :

« C’était très enrichissant. On a pu mieux comprendre comment fonctionnait l’arbitrage, comment ils travaillent, comment ils sont suivis. » raconte Jérémy Vergely. Fréderic Beauregard renchérit : « En plus de nous enseigner l’arbitrage, la gestuelle, comment réagir en peu de temps, on a pu échanger sur l’arbitrage actuel, on a posé pleins de questions pour mieux comprendre l’envers du décor. ».

 « C’était parfait. Je conseille à tous les joueurs de faire cette formation même à ceux qui ne sont pas forcément intéressés par être arbitres plus tard. » ajoute Obrad Ivezic. Jonas Poignant rejoint ce constat « Il faut améliorer la communication entre arbitres, joueurs, clubs. Ce sont les soucis de communication qui parfois génère les frustrations. Ce stage a permis de créer du lien, c’était très formateur. J’en tire que du positif et je le recommande ».

Le stage a également été l’occasion de mettre en pratique les enseignements reçus. À l’occasion du match entre les U19 et Rueil Malmaison (N2), ainsi que de la double confrontation des U21 entre eux, les quatre stagiaires répartis en binôme (Poignant – Vergely et Beauregard – Ivezic) ont arbitré les rencontres.

« Il y en avait un qui n’avait jamais arbitré de sa vie. Les autres avaient une petite expérience. C’était très intéressant, on a eu tous les profils, raconte Alain. Certains ont déjà la prestance requise. D’autres hésitaient un peu plus avant de siffler. Ils se sont rendu compte que le timing du coup de sifflet, la gestuelle, le positionnement, ça se travaille. Il va falloir qu’ils s’étoffent mais il y a du potentiel ».

« En tant que joueur on a une bonne lecture du jeu, mais parfois on est plus en difficulté sur la gestuelle et la théâtralisation pour expliquer la faute. Mais c’est un vrai atout d’être joueur pro, car on connait toutes les ficelles du jeu » indique Jérémy. « Par contre on se rend compte que le regard du public, celui des entraineurs et des joueurs change : quand on est joueurs on est supporté, on est admiré, tout le monde est là pour nous. Là en tant qu’arbitre on se sent un peu plus seuls et quand il y a une décision litigieuse, tout le monde se retourne contre nous ».

Alain Dessertenne acquiesce et ajoute « En plus de la bonne lecture de jeu, les joueurs professionnels en imposent forcément, ils sont connus et reconnus. Aucun joueur ne pourra venir voir Jonas ou Jérémy en leur disant qu’ils ne maitrisent pas le jeu du pivot (rires). Avec du travail, ils ont des atouts non négligeables pour être de bons arbitres ».

Alain Dessertenne entouré de Frédéric Beauregard et Obrad Ivezic

Après les rencontres, les stagiaires ont eu droit à une analyse de leur prestation. « C’est comme en tant que joueurs. On a debriefé et sur la base d’un séquençage vidéo et on a pu voir ce qu’on avait fait de bien ou pas. On a aussi échangé sur les actions litigieuses. C’était très enrichissant, explique Jéremy. « J’étais d’ailleurs surpris que les arbitres soient autant suivis, évalués. Il y a des retours, et les gens qui les chapeautent savent exactement où ils en sont, et ils savent de quoi ils parlent. Par contre même si j’ai réalisé beaucoup de choses et que j’ai mieux compris leurs réalités, ce n’est pas pour autant que je vais arrêter de râler (rires) ».

Et la suite dans tout ça ?

« Pour aller jusqu’au bout du stage et de la certification, les joueurs vont être désignés selon leurs disponibilités sur des matchs de N3 et N2 masculines et N1 féminine. Ils vont aller arbitrer en binôme ou solo. Les matchs seront filmés, et il y aura quelqu’un qui va les suivre et les accompagner. Puis sur le 4ème match, on va faire comme avec nos arbitres, en les évaluant à partir d’une grille » explique Alain.

« On va arbitrer ensemble avec Obrad » indique Beauregard. « Notre objectif c’est d’aller jusqu’en première division » ajoute son binôme en souriant.

« C’est important de penser dès maintenant à sa reconversion. Je sais que plus tard je veux rester dans le monde du sport, mais sans pour autant être coach ou travailler dans un club. Être arbitre est une option qui m’intéresse vraiment. » explique Jonas. Ce projet de reconversion dans l’arbitrage est également partagé par ses trois autres collègues.

« Dans un premier temps c’est possible de les former en individuel, même si le joueur n’a pas de binôme attitré. On réentend parler de binômes professionnels donc il va y avoir des perspectives. Donc s’il y a des joueurs ou des joueuses intéressé(e)s, qu’ils soient français ou étrangers, c’est avec plaisir qu’on pourra les former, qu’ils n’hésitent pas à se rapprocher de l’AJPH ou de nous directement, conclut Alain.

Au tour des joueurs de conclure et de remercier unanimement Alain et son équipe : « Ils sont très compétents », « ce sont des mecs tops », « ils ont été géniaux avec nous ». Mention spéciale également pour leur club respectif et l’AJPH : « C’était cool que le club ait accepté de nous libérer, c’est aussi grâce à Benoît qui a fait les démarches auprès d’eux » indique Fréderic. « et merci à vous, l’AJPH, de nous aider dans notre reconversion que ce soit dans l’arbitrage ou autre chose, c’est important pour nous » ajoute Jonas.

 

Propos recueillis : Anne-Laure Michel

Photos : Hubert Gueriau et AJPH

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