Ancien gardien de Gonfreville, Angers et Besançon, Ilija Komnenovic a choisi de rester en France une fois sa carrière terminée. Le voilà désormais à la tête de son entreprise, EST MAT.
« Je préfère décharger tout un camion à mains nues que de me mettre dans le bureau pour gérer l’administratif ! » Ilija Komnenovic en sourit, mais la vie de chef d’entreprise est pour lui loin d’être un long fleuve tranquille. « C’est beaucoup de travail, oui, mais je ne me plains pas, glisse l’ancien gardien de but, qui dirige EST MAT depuis désormais un peu plus de deux ans. On est spécialisés dans le second œuvre. On vend des peintures, des enduits, des portes, des WC, des douches, tout ce qui est utile pour l’aménagement d’une maison. » Un matériel que l’ancien joueur de Besançon importe de Serbie, son pays natal. Une passerelle logique entre les deux pays qui ont construit la vie de l’ancien handballeur.
Une histoire qui démarre en 2005 lorsque le portier s’engage avec Gonfreville-l’Orcher, alors en Nationale 1. « J’avais un peu fait le tour de la question en Serbie, et un agent m’a proposé ce challenge. Ce n’est pas quelque-chose que j’avais spécialement en tête, mais j’ai dit OK », souffle celui qui ne repartira plus jamais de l’Hexagone, après des expériences à Angers et Besançon, au deuxième échelon national. « Je suis fier de mon parcours car j’ai été un joueur important dans chacun de mes clubs, en occupant les premières places des meilleurs spécialistes à mon poste. J’ai forcément le petit regret de n’avoir joué à l’étage du dessus mais c’est comme ça », glisse-t-il.
Une fin de carrière anticipée d’un an
Un parcours qui s’est finalement achevé en mai 2018, du côté de Besançon, après 13 saisons jouées dans l’Hexagone. Ça fait alors quelques temps que le gardien sait que son avenir, ainsi que celui de sa famille, s’écrira dans le Doubs. « Dès 2014, j’ai commencé à y penser. Mes deux enfants étaient nés en France, ma femme avait trouvé un travail, ça me semblait logique de rester ici, d’autant que j’avais acquis la double-nationalité », se souvient-il. Reste à dessiner les contours de cet avenir, car Ilija Komnenovic est trop intelligent pour ne pas savoir que la coupure sera rude. « C’est pour ça que je suis revenu à Besançon à l’époque, car j’avais l’opportunité de me rapprocher de Nouvelle Trajectoire, explique-t-il. C’est eux qui m’ont poussé à me poser les bonnes questions sur la suite. A me remettre complètement en question. »
C’est dans ce cadre, et alors qu’il est même ambassadeur de l’entreprise spécialisée dans la reconversion, que le gardien de but échafaude cette idée d’une entreprise à cheval entre France et Serbie. « J’ai choisi le bâtiment car en Serbie, on a des matériaux d’excellente qualité, à un prix moindre, décrypte-t-il. J’ai ensuite fait mes études de marché, j’ai beaucoup réfléchi, et je me suis lancé. » Un lancement qui l’oblige même à s’assoir sur sa dernière année de contrat au GBDH. « Tout était ficelé, et je n’avais pas envie de rater le train. Qu’est ce qui me disait que mon projet allait être viable un an plus tard ? Il a fallu faire un choix », note celui qui lance son nouveau bébé en janvier 2019, en compagnie de son associé, Sébastien Morel.
Bientôt le renfort de Davorin Vujovic ?
Une nouvelle vie qui tranche avec l’ancien quotidien du handballeur qu’il était. « C’est le jour et la nuit. Il faut que les jeunes entendent ça, et c’est pour cela que les tournées et l’information délivrées par l’AJPH sont si importants. On ne se rend pas compte à quel point on est assistés quand on est handballeur. Toute l’année, on ne s’occupe de rien, on a juste à penser à mettre les chaussures dans le sac pour aller à l’entraînement ou au match, sourit-il. Et tout ça, à des conditions financières avantageuses, il faut l’avoir bien en tête. La suite, c’est plus de boulot et moins d’argent. Il faut être prêt à ça, ce n’est pas forcément facile. D’ailleurs mes enfants préféraient quand j’étais joueur. Maintenant, ils ne me voient plus (rires). »
Un investissement maximal à la hauteur du personnage qu’est Ilija Komnenovic. « Je ne me voyais pas faire la tournée des entreprises en disant: « Bonjour, j’ai été gardien de but, j’étais très bon sur le terrain » et espérer que ça passe, confirme-t-il. Donc j’ai beaucoup bossé, et pour le moment, la progression de l’entreprise est prometteuse. Rien n’est acquis, j’en suis conscient, mais je reste satisfait. » Satisfait ? Pas tout à fait. Un petit grain de sable contrarie le Franco-Serbe.
« Dans le cadre de mon développement, j’ai voulu embaucher mon ancien coéquipier Davorin Vujovic. Je le connais bien, c’est un gros bosseur, et il a le profil entre les deux pays que je recherche. On a fait toutes les démarches pour qu’il s’engage avec nous, en lui trouvant même un club à côté (Vesoul, ndlr). Il a passé des qualifications mais finalement son dossier a été retoqué par l’administration et son permis de séjour n’a pas été prolongé. Ça me rend fou, c’est tellement injuste. Il est là pour travailler et on lui refuse. C’est quelque-chose que je ne comprends pas. Maintenant son dossier est entre les mains du tribunal administratif et je veux croire en la justice, conclut-il. En l’attendant, je suis un peu freiné dans le développement de mon entreprise, je dois rester à la boutique sans pouvoir démarcher de nouvelles entreprises. »
Benoît Conta
Crédits Photo : Sébastien Daucourt