Sortie de Vestiaire, Maria Iacob

14 mai 20200
Arrivée en France à l’âge de 17 ans, Maria Iacob a navigué de challenge en challenge pour désormais diriger une entreprise dans le bâtiment, après une carrière longue de 11 ans, dont 8 passés du côté de Mios-Biganos.

 

Ma carrière

Si certaines joueuses attendent d’engranger de l’expérience à la maison avant de faire le choix de l’aventure à l’étranger, Maria Iacob n’a pas attendu sa majorité avant de quitter la Roumanie. Née dans une famille de sportifs de haut niveau, la native de Ramnicu Valcea décolle en effet vers Toulouse dès l’âge de 17 ans. « Je suis arrivée avec ma grande soeur, Monica, qui était elle internationale, se souvient-elle. C’était une bonne chose car ce fut plus simple de vivre ce déracinement en sa compagnie. » Après un an dans la Ville Rose, elle accompagne à nouveau sa soeur à Angoulême, pour deux ans, avant de poser ses valises à Mios-Biganos, alors au début de son ascension vers les sommets.

 

« Là-bas, j’ai rencontré des gens formidables, une vraie famille. Du grand-père, Roger, au petit-fils, Emmanuel, on a vécu un grande aventure, avec notamment une victoire en Coupe de France (2009) et en Coupe d’Europe (2011). » Une aventure qui aurait pu tourner court pour Maria Iacob, blessée aux deux genoux dès sa première saison. « Le chirurgien m’a alors dit que je ne pourrais sans doute pas rejouer au haut-niveau. Mais c’était un beau défi pour moi, et derrière j’ai rejoué sept ans, glisse la demi-centre, avant de sourire. Il ne fallait peut-être pas me dire que ce n’était pas possible. » Reste que le corps de la joueuse la rappellera une nouvelle fois à l’ordre, en 2011. Nous y reviendrons.

 

Mes études

Si Maria Iacob est arrivée très jeune en France, il n’était pas question pour ses parents de laisser les études de côté. Reste un premier obstacle à franchir, celui de la langue. « J’ai pris des cours via l’Alliance française à Toulouse, et j’ai pu avoir mon Bac S, se souvient-elle. Ce n’était pas simple, mais c’était comme ça. Pour moi je n’avais pas le choix d’apprendre la langue et de continuer les études, même si j’aurais pu rester avec ma soeur. » En arrivant à Mios, c’est sans surprise qu’elle demande à enrichir son cursus. « Je ne savais pas spécialement quoi faire, juste que je me voyais dans le commerce. » Va donc pour un IUT « tech de co » à Bordeaux IV. « Il y avait un cursus aménagé pour les sportifs professionnels, qui permettait notamment des dispenses quand on était en déplacement. J’y ai rencontré des gens formidables, et notamment Jean Trillo, un ancien international de rugby », se remémore-t-elle.

 

DUT en poche, la suite s’écrira à la BNP, où Maria va continuer à se former, tout en travaillant. « Tous les clubs que j’ai fréquenté ont accepté de me dispenser des entraînements du matin, pour que je continue à faire mes études, puis à travailler. Forcément, ça peut faire naître quelques doutes et certains m’ont dit que je n’allais plus être « rentable », que j’allais être fatiguée. Mais au contraire, ça me donnait tellement d’énergie, j’avais besoin de cet équilibre », estime la Roumaine, qui regrette d’autant moins son choix qu’elle devra subir sa fin de carrière, dès l’âge de 28 ans.

 

Mon arrêt

Gravement blessée au début de sa carrière, Maria Iacob a depuis longtemps appris à jongler avec la douleur, venue notamment de ce cartilage à 90% endommagé. « A la clinique, j’avais ma carte d’abonnée, rigole-t-elle désormais. Quand j’arrivais, on me demandait tout de suite où j’avais mal. Et ce n’était pas uniquement le genou. Comme je compensais, j’avais des douleurs au tendon d’Achille, à la hanche… Et puis un jour, en 2011, le médecin m’a dit stop. Il m’a dit: « Ce soir, tu vas à l’entraînement, et tu annonces que c’est terminé, que tu ne joueras plus au handball ». C’était d’une violence… »

 

Un arrêt brutal, avant même la fin de saison, qui chamboule la jeune femme. « De la lumière, tu te retrouves dans l’obscurité. On t’oublie… C’est un vrai choc. Et quand tu es sportif de haut-niveau, tu ne veux pas montrer tes faiblesses. Alors tu t’enfermes, il y a un vrai sentiment de solitude, se souvient-elle. Pendant un an et demi, j’ai vraiment eu du mal à aller voir jouer les filles. Je voulais couper pour ne pas m’infliger la douleur de penser que c’était fini. J’ai lu un jour que 65% des sportifs tombaient dans la dépression à la fin de leur carrière, ça ne m’étonne pas du tout. Ma chance à moi, c’est que j’avais tout de même déjà préparé ma reconversion. J’avais déjà quelque-chose vers lequel me tourner. »

 

Mon après-carrière

Après 18 mois de « deuil », Maria Iacob, alors conseillère patrimoniale, se décide à relever un nouveau challenge. « Il me fallait un nouveau défi. Je me suis dit que, même si j’avais encore de nombreuses opportunités d’évoluer à la BNP, je ne me voyais pas derrière un bureau toute ma vie. Je passais d’une vie où mes journées faisaient 7h/22h avec l’entraînement, à un rythme un peu trop calme pour moi. Ca ne me correspondait pas, sourit celle qui décide de prendre en main son destin, pour monter son entreprise. J’ai fait une étude de marché, je me suis posée 1000 questions. Je voulais quelque-chose qui serve aux Français, mais je voulais aussi un lien avec mon pays natal, la Roumanie. » Ce sera donc SOCUB, une entreprise spécialisée dans la construction de maisons et bâtiments en bois, pour utiliser le savoir-faire roumain dans le bois.

 

« C’est un milieu où il y a très peu de femmes, mais c’est peut-être ça qui m’a motivé, glisse la chef d’entreprise. Avec le sport, on m’a appris à relever les défis, à ne pas avoir peur, alors je me suis lancée. » Un défi qui aura couter quelques heures de sommeil à la gérante. « C’est un milieu que je ne connaissais pas du tout. Ce fut vraiment compliqué, stressant, avec des hauts, mais aussi beaucoup de bas. Ce sont des nuits à ne pas dormir, des week-ends à réfléchir… Mais je me suis accrochée », assène celle qui revendique désormais la gérance de deux entreprises en France, une autre en Roumanie, ainsi qu’une association avec Alienor Ingénierie.

 

« Le groupe représente 155 collaborateurs, à travers 6 agences en France. Je peux le dire maintenant, même si je n’ai pas encore l’expérience de certains, mais la machine est lancée, avec de très beaux projets en cours, conclut-elle. Maintenant rien n’est acquis, et on le vit actuellement avec le crise liée au COVID. Mais je ne suis pas angoissée, il faut toujours essayer de prendre le bon côté des choses. Et puis je crois que j’aime bien les difficultés. Ca permet de toujours trouver des opportunités et des solutions pour rebondir. » A désormais 37 ans, Maria Iacob n’est plus à un challenge près…

 

Benoît Conta

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