Céline Auriemma, une de nos deux professionnels de la rubrique « Bien dans ses baskets » aborde aujourd’hui l’impatience de jouer en lien avec les incertitudes actuelles.
De la reprise des entraînements en juin jusqu’au début du championnat, combien de fois avez-vous penser que le 1er match officiel n’arriverait jamais ?
Et depuis, avez-vous douté du match suivant et de celui d’après ?
J’ai suivi de loin ce que certain.e.s d’entre vous avez subi. Mise en quatorzaine, tests répétitifs, stress du résultat de tests, résultats tardifs, annulation des matchs amicaux, officiels, entraînements annulés, remplacés, en plusieurs groupes, masqués, planning imprévisible ou éternellement changeant…
Les joueurs.ses. ont pu vivre certaines choses comme : sentiment d’isolement, de rejet, culpabilité de freiner la préparation pour ceux et celles qui ont contracté le virus…
Du côté des entraîneurs : agacements, incertitudes, difficulté de planification, de gestion de groupe et de projection future, mise en place d’un protocole sanitaire changeant, gestion de tout ce qui est extra sportif.
Les entraîneurs ont eu plus à gérer du hors handball sans aucune visibilité que du 40 par 20.
La période actuelle, anxiogène, insécuritaire, et dénuée de sens, dans laquelle personne ne maîtrise son destin provoque : doute, inconfort, incertitude, anxiété, irritabilité, impulsivité, sentiment d’ennui, perte de repère et de routine tant importante à la performance.
L’être humain cherche toujours à prévoir les choses et devient irrationnel lorsqu’il s’agit de hasard car il a besoin de contrôler les choses et lui donner des explications.
Nassim Nicholas Taleb, écrivain et philosophe des sciences du hasard et ancien trader a écrit : « Le cygne noir : La puissance de l’imprévisible ». Il définit des événements, appelés « cygnes noirs », qui échappent à notre contrôle, et qui conduisent à de grosses conséquences et sont totalement imprévisibles.
Il n’est pas possible de tout anticiper et encore moins de tout contrôler. En revanche il est possible de se préparer à cette complexité par l’entraînement.
Apprivoiser les cygnes noirs est un exercice qui tient plus de la maîtrise que du contrôle.
Notre seule certitude est la persistance de l’incertitude (j’espère que je ne vous ai pas perdu car moi presque !) 🤯🤯🤯🤯
Alors comment dépasser l’instabilité du championnat, des matchs, des entraînements et par extension des performances ?
Voici quelques pistes du côté de l’entraînement Mental.
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Se FIXER des objectifs à court terme (1 ou 2 mois grand MAX !)
- Objectif sur le court terme et de maîtrise :
J’ai déjà écrit sur la fixation d’objectif, et rappelez-vous le plus important : un objectif doit être SMART (ndlr « Le travail sur la fixation d’objectifs (mais pas que..))
Cette fixation d’objectif va augmenter votre motivation. Orientez-le sur la maîtrise de nouvelles choses et ce dans plusieurs domaines : technique, tactique, mental, physique…(variez les plaisirs !).
Vous pouvez demander de l’aide à votre entourage pour le faire (entraîneurs, coéquipiers, famille, ami.e.s…).
Il est aussi important que votre objectif ait une date butoir ! Sans date, pas d’engagement. Donc mettez votre date et célébrez votre victoire au moment venu (avec modération…😁).
- Puis décrivez des objectifs quotidiens :
Déclinez un objectif à la semaine dans tous les domaines voulus, puis un objectif du jour, objectif d’entraînement, objectif de bien être (détente, sommeil, alimentation, respiration).
Ce travail va vous permettre de centrer votre attention sur ce que vous avez à faire jour après jour et arrêter de penser à l’incertitude.
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Entraînement Mental sur le PRESENT
Le fameux « lâcher prise » pour arrêter de penser à ce qui pourrait ou non arriver…
Pour cela, vous devez définir tout ce qui dépend de vous et tout ce qui ne dépend pas que de vous. (Merci Epictète d’avoir décrit la philosophie stoïcienne, qui tend vers la liberté et la paix de l’âme 😶).
Ensuite entourez chacun d’entre eux, cloisonnez les pour bien ancrer en vous l’idée que votre attention doit se porter sur la 1ère sans quoi vous serez déçu.e, énervé.e, triste et toutes les émotions négatives qui découlent d’un échec.
L’éthique stoïcienne recommande de ne pas être affecté négativement par ce qui ne dépend pas de soi : si j’ai une mauvaise réputation, cela ne doit pas m’affecter, car cela ne dépend pas essentiellement de mon bon vouloir ;
Cela étant dit, ce n’est pas un renoncement pur et simple à l’action et la transformation de situations douloureuses :
-il dépend de moi d’être juste avec autrui, de telle sorte que la réputation que j’aurai dépendra aussi de mon attitude, quelque peu ;
-il dépend de moi de prendre soin de mon corps, de telle sorte que j’éviterai, autant que faire se peut, la maladie.
Mais si, ayant fait toutes ces choses, je reste néanmoins méprisé socialement, pauvre, ou en mauvaise santé, je saurai ne pas me lamenter face à de telles situations, car j’aurai accepté le fait que je n’ai pas une emprise complète sur le cours du monde.
A cette pensée qui permet de prendre es choses dans leur globalité, j’y ajouterais une pensée d’un sage Chinois :
Lao Tseu disait : « Les choses ne changent pas, change ta façon de les voir, cela suffit »…🥳
Merci Lao mais comment ????
Et bien vous pouvez essayer de vous ouvrir à certaines pratiques de relaxation. (Aïe, j’ai perdu certains de mes lecteurs ! Restez là, vous allez voir, la relaxation ce n’est pas forcément soporifique ! 😴)
La méditation, la sophrologie, la cohérence cardiaque, la pleine conscience sont des bons outils pour cela.
Personnellement je pratique les 2 derniers. Pour certains sportifs, ils ont besoin d’être passifs et d’autres acteurs de leur relaxation. Et tout existe.
-La méditation en pleine conscience ou Mindfulness permet de : réduire le stress, augmente la résilience au stress, meilleure régulation émotionnelle, concentration.
Elle agit aussi sur de multiples pathologies liées au stress (douleurs chroniques, inflammation, psoriasis, hypertension…).
Je propose à ceux qui me disent « je n’ai pas le temps » de le faire dans une activité du quotidien. Vous vous lavez les dents, vous mangez, buvez, allez aux toilettes comme tout le monde. Si ce n’est pas le cas, vous êtes un robot 🤖 !
Et bien, vous pouvez le faire en pleine conscience…c’est-à-dire en étant pleinement conscient de ce que vous êtes en train de faire. Restez connecté sur votre action. Si vos pensées vous emmènent ailleurs, ramenez-les sur votre action. Et recommencer autant de fois que nécessaire. Avec l’entraînement cela va réduire. 🧎♂️
Par exemple, lorsque vous buvez votre café ou thé (chacun fait ce qu’il veut…), connectez vous à votre corps « ici et maintenant » en train de boire. Le contact de la tasse sur vos lèvres, la chaleur de la boisson, dans votre bouche, dans votre estomac…le contact de votre main avec la tasse, la position de votre corps, vos jambes, vos pieds…est ce qu’il y a une contraction musculaire quelque part.
Que ressentez-vous ? Sur quoi se pose votre regard ? Qu’entendez- vous ?
Cet exercice vous connecte avec votre environnement au moment PRESENT. Et ce travail permet de stopper le flow de pensées, de vous relâcher et d’augmenter le bien être.
Dès que cela vous est possible, connecter vous au moment présent en action ou en témoin (méditation). Sortez, allez vous promener dans la forêt, au bord de la mer, dans les belles calanques du sud ! Connectez vous tant que possible à la nature. Et déconnectez les distracteurs : TELEPHONE 📵
-Le 2e outil de relaxation que je pratique est la cohérence cardiaque.
La cohérence cardiaque est une méthode respiratoire permettant de réguler le rythme cardiaque en cas de stress et de forte émotivité. L’effet d’apaisement est immédiat.
Et comme je suis quelqu’un qui a besoin de bouger, je le fais en action. Je déteste rester en place et respirer, je ressens de l’énervement et j’abandonne l’exercice. Alors je le fais « à ma sauce .
Par exemple, lorsque je vais coucher mon fils de 2 ans qui ne veut pas dormir sans me tenir la main ou mon oreille, je suis bien obligée de rester là plus de 5 minutes (des fois même 1H !). Et bien, je pratique la cohérence cardiaque à ce moment – là…
Je vous propose, si vous êtes comme moi, dans l’inconfort lorsqu’on vous demande de rester figer, de pratiquer lorsque vous êtes obligé d’être à l’arrêt : dans les transports, à une réunion, devant un film, dans votre lit avant de dormir…
Cela se fait sous la forme du 365 (il y a une appli gratuite du même nom). Le principe est simple : 3 fois par jour, 6 respirations par minute et pendant 5 minutes.
Vous inspirez sur 5 secondes et vous expirez pendant 5 secondes…Pendant 5 minutes.
L’inspiration doit être profonde, régulière et descendre jusque dans le ventre. Plus la respiration est lente, meilleurs sont les bénéfices.
Ce qu’elle apporte sur la santé psychologique et intellectuelle :
- Reduction du stress
- Augmentation de l’énergie et de la résilience
- Une plus grande clarté mentale, meilleure prise de décision
- Augmentation des capacités intellectuelles et créatrices
- Augmentation de l’équilibre émotionnel
- Amélioration de la capacité d’écoute, de la qualité de présence
Sur la santé physique:
- Augmentation du taux de DHEA (l‘hormone de jeunesse)
- Réduction du taux du cholesterol, de l’hypertension, du diabète
- Amélioration du sommeil
- Augmentation du système immunitaire
- Perte de poids
Rien que ça !!!!
Ces 2 outils aident à être dans l’instant présent et à prendre des décisions plus rapidement (hum intéressant dans ce sport…). Les doutes, les peurs surgissent lorsque l’on se projette dans le futur. Alors restez dans le présent ! Ce qui vous permettra d’être à 1000% à l’entraînement ! 💪
« Vivez comme si vous deviez mourir demain, apprenez comme si vous deviez vivre toujours »
Gandhi
Du côté des entraîneurs : Les bases de la gestion et du pilotage sont la prévision et l’anticipation.
Le premier réflexe (qui est celui de beaucoup de managers), est de vouloir tout contrôler et (se) mettre la pression. Pourtant, le bon réflexe est inverse : il faut savoir lâcher prise !
Facile à dire vous me direz ! D’autant plus que je ne suis pas entraîneur !
C’est pourquoi avant de me lancer dans l’arène j’ai contacté plusieurs d’entre vous !
Je remercie Erick Mathé et Angélique Spincer qui ont répondu à quelques questions pour me donner des idées de ce qu’il s’est passé au plus haut niveau du handball français. Quelques citations tirées de nos échanges :
« On a l’habitude de gérer les incertitudes sur le terrain mais là il faut gérer cette incertitude en dehors du terrain »
« Nous aimons la stabilité mais nous tombons aussi souvent dans la routine, là j’aime apprécier notre efficacité dans ces adaptations permanentes »
« Nous créons et sommes obligés de nous questionner en permanence …je trouve ça dynamisant et j’essaie de le partager avec les joueurs »
« je consulte très souvent mon staff pour voir ce que l’on peut faire pour s’adapter »
Cet été les joueurs Chambéry ont pu s’affronter dans des Illiades (défis en montagne, sur des Lacs etc) avec un fil conducteur sur toute la prépa pour palier à l’incertitude et innover.
« les joueurs ont adhéré et adoré »
Erick Mathé (Entraineur de Chambéry et entraineur adjoint de l’ Equipe de France Masculine)
Pour terminer mon approche j’ai été voir ce qui avait été fait en LBE près de la maison.
« Nous sommes dans l’adaptation permanente, les semaines ne sont quasiment jamais celles programmées au départ. Au début on est surpris et puis aujourd’hui on sait faire avec. On s’y est habitué. »
« On essaie de fournir un environnement le moins anxiogène possible en se focalisant sur le terrain »
« On est préparé à toutes les éventualités »
Angélique Spincer (Entraîneur de Plan de cuques)
Après tous ces apports et ces échanges très riches (encore merci à vous 2 !).
Voici quelques propositions :
- Stimuler l’initiative
- Stimuler l’imagination et la créativité.
- Stimuler l’autonomie et la prise de responsabilité
Quand on doit faire face à des périodes incertaines, 3 choses sont particulièrement importantes : l’esprit d’équipe, l’honnêteté et la confiance.
La performance passe par la reconnaissance des hommes et des femmes. Et leur accompagnement dans l’identification et la résolution de leurs difficultés. La confiance qui leur est faite devient alors le moteur de leur performance au service du projet collectif.
Ce que je retiendrais aussi des différents échanges avec les acteurs du hand, c’est une fâcheuse tendance à ne rien lâcher. A se renouveler, à prendre cela comme un chalenge ou avec abnégation.
Chacun son style pour avancer mais tous on prit cela du côté positif. Relativiser, remettre les choses en perspective et surtout S’ADAPTER !
Devenez flexible comme le roseau
Céline Auriemma
Coach de Performance
Vous avez des questions pour Céline ?
N’hésitez pas à nous les laisser en commentaire sur le site ou sur les réseaux sociaux et nous lui transmettrons 😊
Pour la contacter directement :
celauriemma@gmail.com – 06 65 63 25 45
page Facebook
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Photo : @Bertrand Delhomme / LFH.
One comment
Odile Gombert
13 octobre 2020 at 16 h 19 min
Quel plaisir de te lire !!! Tu me donnes vraiment envie de suivre tes conseils. Ton écriture est fluide et j’ai bu tes mots sans m’arrêter…
Merci Celine